TROIS PETITS TOURS ET PUIS S'EN VONT
TROIS PETITS TOURS ET PUIS S'EN VONT
« Ainsi font, font , font » chante la comptine qui éveille les bébés, cape leur attention, joue avec la surprise, le
mouvement, la répétition. Peu importe que l'adulte qui entretient ce dialogue musical avec l'enfant, paraît
stupide aux yeux de ceux qui ne sont pas concernés. Peu importe que les mains, soient larges ou fines,
musclées ou molles, dures, carrées, longues… L'essentiel, c'est le lien avec le bébé.
Les mains révèlent d'abord notre identité.
Elles marquent nos empreintes sur les grottes préhistoriques, ou dans les fichiers de police. Un paquet, un
message se remettent parfois en mains propres.
Notre destin, disent les chiromanciens, se lit dans leurs lignes, mais c'est surtout notre passé qui s'inscrit sur
les mains : il suffit d'observer les doigts noués d'un vieillard, les cales d'un travailleur, la longueur et la
souplesse des mains d'un pianiste, l'agilité d'un guitariste ou d'un bassiste, la maîtrise d'un chirurgien, la
précision d'un horloger.
Main de Dieu ou main de Fatima, elles commandent, jugent ou portent l'espérance :
Dans la Chapelle Sixtine, Michel-Ange illustre la Bible : la main de Dieu et celle d'Adam se séparent à jamais.
Dieu condamne, bannit définitivement l'homme du Paradis et l'envoie dans un monde de souffrance, de
désespoir, de solitude, de responsabilités et de doutes.
L'art donne aux mains une place primordiale, citons au hasard : Fra Angelico, Géricault, Caravage. Léonard de
Vinci a fait des centaines d’esquisses de mains et si Rodin les voit amoureuse, Orozco, les transforme en
cœur.
Les mains supplient, prient, interprètent, créent, communiquent, imposent le silence, tremblent, travaillent,
caressent, jouent. L'homo faber ne cessera jamais de les expérimenter. Celles qui tuent, torturent, cognent,
cassent, pincent… révèlent, hélas, notre part d'ombre.
Le fonctionnement de cet outil aux 27 os, aux articulations et tendons, qui travaillent ensemble pour accomplir
des milliers de tâches, fascine. Et cette mécanique fonctionne grâce à la complicité du cerveau !
La main est langage.
Levée, elle indique un vote ou un renoncement. Son pouce fait du stop dans un sens, et, dans l'autre sens,
envoie un homme à la mort chez les Romains.
Lorsqu'elle s'associe avec une autre partie du corps, la main révèle ce que nous taisons par pudeur :
Avec le cœur, elle devient généreuse. Avec les pieds, elle est dévouement. Ensemble, les deux mains portent
le courage.
Cette comptine nous engage avec autrui pour toute la vie : les poignées de mains noue une relation, scelle
un contrat. Elle jure notre vérité quand nous les mettons à couper… Si la main se met à la pâte, c'est par
solidarité même si son coup reste temporaire. En revanche, si nous les lavons, c'est que nous refusons
d'engager une responsabilité qui n'est pas la nôtre.
La meilleure façon de les remercier pour toutes ces tâches, c'est de les soigner, les masser, les protéger avec
des gants, les faire belles avec du vernis et des bagues.C'estaussi de les peindre, de les sculpter ou les
photographier, bref de les honorer.
« Ainsi font, font , font ...