ABSENCE

La haie de lauriers roses fleurit la terrasse ombragée. Aucune feuille ne bouge, le vent se lève plus loin, vers la mer. Ici, il fait très chaud, mais, à quelques pas, là où les arbres s'écartent, le soleil cogne vraiment.

Allongée sur une méridienne, j'entends les cigales. Elles s'insèrent dans le décor du sud et accompagnent l'odeur de la lavande, la lumière écrasante, la chaleur plombante et le zonzonnement d'un insecte -comme disait F. Dard-. Les clichés nous rassurent et font partie des vacances. Mais depuis que j'ai appris que, seules les cigales mâles cymbalisent pour appeler les femelles, j'écoute avec attention cette vie secrète qui se dérobe à mes yeux.

Maintenant, l'insecte se tait. La femelle a dû répondre favorablement à son invitation. L'arbre ou la haie protège leur union secrète.

Le silence ne dure pas. Le chant reprend, intense. Je me demande s'il s'agit du même mâle, s'il remercie sa partenaire ou s'il en cherche une autre. A moins qu'il n'ait passé le relais…

Ma mémoire récite la fable. La Fontaine oppose la cigale et la fourmi comme s'il n'y avait pas d'autre choix que le plaisir ou la sagesse. Sa fourmi m'a toujours semblé moralisatrice et d'une austérité repoussante. En revanche, la cigale symbolise la joie de vivre, le soleil, l'été, le sud. D'ailleurs, les créateurs ne s'y sont pas trompés puisqu'ils les imaginent en bijoux ou objets fantaisie et qu'ils délaissent la fourmi, donneuse de leçon.

Mon regard se pose sur la chaise vide qui attend l'absent. Sa place est là. J'aimerais que la cigale lui prépare un concert joyeux lorsqu'il reviendra.

Le silence se fait sérieux quelques instants. Puis la fête reprend tonitruante comme si toutes les cigales cachées dans les buissons m'avaient entendue et se mettaient à chanter : Carpe diem quam minimum credula postero.

Alors, allongée sur la méridienne, je reprends ma lecture, confiante.

Var, été 2016