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Plume et clavier
23 septembre 2016

ATTENTE

etang Chezeneuve

AU FIL DE L'EAU

 

 

Le pêcheur a déployé son matériel, tôt, afin de choisir la meilleure place, la sienne, celle qu'il occupe régulièrement.

La brume se lève à peine. La fraîcheur s'abat sur ses épaules, et le soleil doucement chasse les traces de la nuit.

 

L'homme dispose ses lignes, vérifie que tout est bien installé : épuisette à portée de main, bourriche accrochée correctement, pliant calé juste au bon endroit. Pourtant, il ne s'assoit pas encore. Ici, le maître de maison, c'est l'étang. C'est lui qui impose son rythme au temps, au décor et à la nature. Derrière les arbres, la vie s'éveille dans les champs, sur la route, dans le village derrière les arbres. L'homme ne les entend pas.

 

La faune s'affaire : oiseaux, poules, grenouilles, libellules… Les roseaux, comme des pendules hypnotiseurs, eux, n'ont jamais cessé leur balancement.

Les poissons répètent inlassablement les gestes de la veille : bulles, sauts, frétillements autour de l'hameçon. Un jeu qu'ils adorent mais qui peut se révéler périlleux car il arrive que le pêcheur gagne.

 

L'homme n'est plus seul. Il échange quelques mots aimables avec celui qui vient d'arriver, tout en s'asseyant sur le pliant pour marquer son territoire. L'autre ira se poser plus loin. C'est leur accord tacite : chacun pêche tranquillement dans son coin, sans rendre de compte à personne.

 

L'homme, désormais, ne tournera plus la tête. Il fixe le bouchon, guette le moment où le flotteur s'enfoncera d'un coup sec.

Le pêcheur, habitué aux odeurs de l'étang, ignore l'âcreté qui provient de la vase. Ses mains ne sentent plus la peau visqueuse de la tanche ou de la carpe. Ses doigts, indifférents, attrapent un asticot grouillant dans la boîte. Il n'a aucune pitié pour le goujon dont la gueule reste prisonnière de l'hameçon.

 

Pour la énième fois, le pêcheur ferre en vain. Tôt ou tard, sa bourriche se remplira, et, si par hasard, il rentrait bredouille, cela n'aurait aucune importance. L'étang lui a accordé ce qu'il était venu chercher : quelques heures de tranquillité, hors du monde.

 

 

Chezeneuve, été 2016

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