Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Plume et clavier
2 mai 2016

LE CHANT SILENCIEUX DU CIEL

de Carmo1

 

Nous sommes dans le quartier du Chiado au cœur de Lisbonne. Le départ du marathon vient d'être donné. La foule applaudit ses sportifs, la musique envahit la place, la télévision suit l'événement. Le groupe tourne sur la gauche et emprunte une belle grimpette. Le cœur sait d'emblée à quoi s'en tenir.

 

Le nôtre va suivre un autre rythme…

 

Nous oublions le tumulte de la ville et nous entrons dans le couvent de Carmo. Les billets vendus à l'entrée nous considèrent comme des « réformés ». C'est ainsi que je traduis «reformado » qui désigne le senior, le retraité, retired… Qu'importe, chaque instant de la vie se savoure. Je cesse de titiller les mots pour m'intéresser à ce lieu.

 

S'il est facile d'imaginer un moine déambulant dans ce qui est devenu un jardin, sans plan, j'ai bien du mal à concevoir l'ensemble car ne restent que les murs extérieurs.

Quel contraste avec l'effervescence de la place ! Cette réaction spontanée me fait sourire, car les lois de la physique s'imposent : les ondes sonores ne peuvent enjamber une si haute structure. Et puis les moines se sont toujours débrouillés partout, pour vivre dans un endroit calme, propice au recueillement. Un court instant, j'imagine que le silence est orchestré par un chœur d'anges bienveillants qui volent paisiblement dans le ciel bleu intense…

Quel contraste aussi entre cette paix et la violence qu'a subie le monastère ! Un tremblement de terre, un tsunami et un incendie ont ravagé Lisbonne, ce 1er novembre1755.

Je me souviens du poème de Voltaire, de sa quête sur l'origine du mal, du débat d'idées qui agitait le Siècle des Lumières. La longue liste des catastrophes naturelles et humaines s'est allongée depuis, au fil du temps, et reste ouverte.

Voltaire me souffle :

Accourez citoyens sur ces ruines affreuses,

Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,

Ces femmes, ces enfants l'un sur l'autre entassés,

Sous ces marbres rompus ces membres dispersés;

Cent mille infortunés que la terre dévore,

Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,

Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours

Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours !...

 

Les Lisboètes ont eu l'intelligence de conserver cette magnifique structure gothique du XIVème siècle. Ils ont juste restauré l'abside et la sacristie de l'église pour abriter un musée archéologique.

D'autres mains vont bâtir vos palais embrasés.

D'autres peuples naîtront dans vos murs écrasés.

 

Une multitude d'objets sont exposés dans des vitrines. Certains sont si petits que seuls des spécialistes ont pu les identifier comme des trésors du passé.

Cet endroit n'a pas perdu complètement son caractère religieux, mais c'est surtout l'histoire du pays qui parle : sculptures, lustres, bibliothèque, fresque d'azulejos. Il s'agit d'architecture, de vie quotidienne, de savoir, de foi... Des pavés de verre transparents laissent entrevoir des marches qui mènent aux fondations du bâtiment. S'y reflètent les arcs et le plafond en brique.

 

 

Sous la lumière éclatante, le passé et le présent se confondent.

S'efface la violence qui a détruit ce monastère.

S'efface aussi le recueillement si cher aux moines.

Ce lieu veut témoigner de la vie et des vies oubliées...

Publicité
Publicité
Commentaires
Plume et clavier
Publicité
Plume et clavier
Archives
Derniers commentaires
Newsletter
Publicité