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Plume et clavier
7 juin 2015

GRIGNAN

GRIGNAN

 

Que l’on vienne de Montélimar, de Valreas, du nord de la Drôme ou du sud, le château de Grignanapparaît soudain. Perché sur son rocher, il domine le village de pierre qui porte son nom. Détruit, pillé, aujourd’hui restauré, le château doit surtout sa célébrité à Marie Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné, dont l’abondante correspondance adressée à sa fille, Françoise-Marguerite, passera à la postérité. La plus jolie fille de France a quitté définitivement Paris pour rejoindre son époux : François Adhémar de Monteil, comte de Grignan, lieutenant-général de Provence.

La municipalité et les associations s’appuient sur ce passé littéraire et historique pour organiser de nombreuses manifestations culturelles dont certaines se déroulent dans le château : théâtre, festivals de la correspondance, jazz, concerts classiques, fêtes, soirées chorales…

Le village met également en valeur la nature dont elle bénéficie. Des roses anciennes s’accrochent aux murs de pierre et s’épanouissent dès le mois de mai. La lavande paresse alentour, rangée en touffes arrondies, violacées en pleine floraison. Les parfums, les couleurs et les sons se répondent [1]: senteur subtile de la rose, puissante de la lavande, palette provençale, chant des cigales et des grillons. Le terroir peut s'enorgueillir de nobles cultures : celle de la truffe et celle de la vigne aux cépages variés.

Depuis les jardins du château, le panorama s’étire sur de nombreux kilomètres : Vercors, Dauphiné, vallée du Rhône, Ventoux ou Provence. Çà et là, des éoliennes blanches semblent figées comme des jouets oubliés. Une tour, une église jaillissent des collines boisées. Les noms de Valaurie, de Chamaret s’ajoutent aux villages cachés : Colonzelle ou encore Grillon, au nord du Vaucluse, dans l’Enclave des Papes…

A Grignan, la diversité des plaisirs attire les touristes qui déferlent dans le village, dès les beaux jours. En été, ils recherchent l’ombre dans les rues des Remparts, de la Coste chaude ou la rue Glaciaire. Ils envahissent les boutiques de souvenirs ou se prélassent aux terrasses des cafés. Les plus courageux traversent la nationale et se réfugient près de la grotte de Rochecoubière, perdue dans la forêt voisine. Madame de Sévigné venait y écrire en été, près de la source nichée au milieu de la verdure. Elle y rejoignait les invités de repas champêtres dont le faste nous fait davantage penser à des garden-parties qu’à des pique-niques.

L’ennemi de la Marquise, du promeneur et du village est sans nul doute, le vent. C’est le vent du midi, c’est la bise, c’est le diable, c’est à qui nous insultera ; ils se battent entre eux pour avoir l’honneur de nous renfermer dans nos chambres.[2] L’hiver, le mistral est redoutable : il prend possession des rues, des places et des coins et recoins. Il glace les joues, fait pleurer les yeux les plus fragiles, ravage les coiffures, déforme les arbres qui résistent, érode la pierre. Pour l’affronter ou plutôt subir son assaut, le promeneur enfile une vraie cotte de maille avec tout un harnachement : anorak, pantalon, gants et bonnet de montagnard

Au bout de trois jours et de trois nuits, après avoir combattu sans relâche contre qui ?, on se le demande, ce vent furieux s’évanouit comme si son souffle mourrait de lui-même Derrière son passage, le ciel semble lavé, la lumière a gagné, la nature s’apaise et Grignan revit.



[1] Baudelaire, Correspondances

[2] Mme de Sévigné, lettre du 3 février 1695, adressée à M de Coulanges

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