Le Doigt sur la bouche : incipit

Jan sortit de son laboratoire, détendu. Absorbé par son travail, il avait oublié l’heure. La nuit s’était déroulée à son insu. Maintenant, le jour pointait. Ses yeux picotaient, éblouis par la lumière de l’aube qui cherchait à percer la couche de brume. Il frissonna, lança ses bras loin devant lui comme s’il voulait pousser quelque obstacle invisible et souffla, libérant ses poumons de l’air confiné qu’il avait respiré pendant des heures. La journée s’offrait, prometteuse. Il aimait la douceur de ces petits matins, moments de grâce où la lenteur s’étirait comme un dormeur paresseux. Il écouta le silence. Quelques oiseaux pépiaient. Discrètement. Médisaient-ils sur les hommes dont l’agitation ne perturbait pas encore le village ? Jan sourit. Il portait en lui une joie simple. Il n’avait bu aucune goutte d’alcool, pourtant il se sentait flottant. Impression voluptueuse. Suprême récompense du travailleur nocturne. Sa fatigue l’anesthésiait, écartait toute idée désagréable. Il venait de terminer ses derniers tirages. La jubilation frétillait en lui, se distillait lentement, envahissait enfin tout son être. Il se laissait porter par cette sensation tandis que ses pensées voguaient tranquillement.