UNE BOUTURE D'ESPOIR
Un grand nombre de rues de Lyon s'étirent sur de longs kilomètres et sont coupées par d'autres rues, places, avenues, cours ou boulevards. La rue Moncey fait partie de ces voies qui courent sur plusieurs arrondissements.
Dans le 3ème, elle traverse la rue Bonnel et s'écarte légèrement à cet endroit pour offrir un espace à la place Marc Aron.
Seuls le flâneur et le promeneur attentifs peuvent remarquer ce changement de nom tant la forme de cette place est étroite de ce côté. Tout paraît entassé : à gauche une brasserie, et, à droite un immeuble devant lequel sont disposés une sculpture et de la végétation.
La sculpture rend hommage à Marc Aron, cardiologue et humaniste lyonnais (1930-1998). Elle représente un être humain stylisé au cœur énorme. Juste devant pousse un jeune arbre qui passerait inaperçu s'il n'y avait à ses pieds un panneau précisant :
Arbre issu d'une bouture
du célèbre marronnier
cité dans le journal
d'Anne Frank (1929-1945)
Planté le 14 décembre 2014
Là, mes souvenirs de lecture s'agitent, et invitent la lectrice que je suis à ouvrir une nouvelle fois le journal d'Anne Frank :
Mercredi 23 février 1944
Nous avons regardé tous les deux le bleu magnifique du ciel, le marronnier dénudé aux branches
duquel scintillaient de petites gouttes, les mouettes et d'autres oiseaux, qui semblaient d'argent
dans le soleil et tout cela nous émouvait et nous saisissait tous deux à tel point que nous ne
pouvions plus parler.
Ce marronnier que contemplait Anne Frank avait traversé les ans et avait résisté aux intempéries. Il lui rappelait un passé solide. Pendant quelques instants, il effaçait son présent douloureux. Il la projetait dans un avenir possible. Gouttes, branches, oiseaux, jeux de lumière résonnaient comme des appels à la vie et à l'espoir. Anne Frank, dans son grenier prison, puisait sa force en regardant cet arbre depuis sa fenêtre.
Cette bouture plantée à Lyon, si frêle porte le même message.
Soudain, la place devient protectrice et le cœur en inox meulé de la sculpture voisine, par sa taille disproportionnée, bat pour lui, lui transfuse sa sève, sa force. Sous terre, les racines du marronnier rejoignent le socle de la sculpture. Ensemble, ils chuchotent, doucement. Ce qu'ils ont à se dire est si précieux, si fragile.
Combien y-a-t-il de ces boutures d'espoir à travers le monde ?
Résisteront-elles aux maux de l'humanité ?
Lisons encore Anne Frank : Mardi 18 avril 1944 :
Notre marronnier est déjà passablement vert et on voit même poindre déjà çà et là de petites
grappes de fleurs.