La goutte d'eau

LA GOUTTE D'EAU

Le temps tombe goutte à goutte dans les horloges naturelles, le monde que le temps anime est une mélancolie qui pleure… ¹

Lorsque la goutte d'eau fait déborder le vase, tout ce qui avait été supporté précédemment devient soudain inacceptable. La résignation laisse place à l'action, voire la réaction. La goutte d'eau est venue à temps. Elle a pris la forme d'un mot, d'un geste, d'une interrogation qui rendent insupportables les mots, les gestes précédents.

Une goutte d'eau dans la mer, en revanche, invite à l'inaction : un mot, un geste de plus seraient stériles car insignifiants par rapport à la quantité de mots de gestes qu'il faudrait fournir pour changer le cours des événements. Elle signe notre impuissance.

Les physiciens aiment analyser cet objet complexe : forme, tension, déformation, déplacement, contenu… son champ d'investigation est immense.

Les artistes l'adorent :

A la harpe, au piano,

elle se fait rêveuse.

Les peintres figent sa transparence.

Le joaillier la rend précieuse :

verre de bohème ou de cristal, perle naturelle ou de culture, or gris, blanc ou jaune… pour symboliser la pureté, la fécondité, la vie.

La nature la réclame :

Dans l'herbe, est rosée rafraîchissante, annonçant une chaude journée.

Silencieuse et enfermée dans une poche, elle nourrit lentement le corps pour le maintenir en vie.

Les nuages la contient avec des milliers d'autres gouttes d'eau porteuses d'espoir ou de désespoir.

Une, deux, trois… c'est la pluie nourricière.

Une, deux, trois… c'est le débordement, le trop-plein, l'inondation, la noyade et les larmes, le chagrin.

Écoutez plutôt cette onomatopée frappe sur la vitre : flip, flop, flip, flop !

¹Gaston Bachelard, L'Eau et les rêves.