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Plume et clavier
12 avril 2016

DES RACINES A LA CIME

 

arbre_clo_tre

Dans le jardin du musée saint-Pierre

 

L'arbre tire ses branches arthritiques vers la lumière. En ce tout début de printemps, sa nudité exposée en plein jour dévoile une force altérée par les ans. On dirait un vieillard appuyé sur sa canne, le dos courbé, qui regarde les bâtiments environnants par-dessus ses lunettes. Il admire la régularité des façades et le cloître où depuis bien longtemps, les sœurs bénédictines ne déambulent plus. D'ailleurs, il ne les a jamais connues, mais leur esprit flotte encore sous les arcades.

Le vieil arbre aurait beaucoup à dire sur les promeneurs qui s'installent sur le banc voisin : certains lisent, d'autres discutent tranquillement à l'abri du tintamarre urbain, d'autres encore tapotent sur leur écran, par crainte de la solitude. Parfois un couple se dispute, se sépare, les coups bas et les mots assassins fusent… Les humains n'y vont pas de main morte, ni entre eux ni avec lui d'ailleurs. L'automne dernier on l'a amputé d'une branche pour raison esthétique. Il faut bien accepter certainement règles lorsqu'on vit dans un cloître.

A chaque printemps, la vie inonde les veines du vieil arbre. Il refuse de penser au moment où il s'affaissera davantage et où il sera arraché sans anesthésie. Il veut profiter jusqu'au bout du bruissement et de la légèreté de son feuillage tout neuf qui se déploie tranquillement. Une douce jouissance à chaque fois ! Il attend avec bonheur le premier oiseau qui viendra nicher. N'est-il pas en bonne compagnie ? Le buisson voisin rosit et lui chuchote des contes à dormir debout.

Il ne faut pas croire au silence des cloîtres, chaque carré de verdure protège les conversations comme la claustra d'un café. La verdure murmure, l'homme discute et certaines sculptures s'apostrophent à distance. Tout s'anime de jour comme de nuit. La preuve, dans son carré, Bourdelle interroge toujours Carpeaux sur l'acte créateur. Un peu plus loin, Rodin joue avec l'ombre, et Duret médite…

Décidément, les sculptures ont des préoccupations bien humaines. L'arbre les entend. Il en a même tiré la conclusion que le monde a toujours du mal à tourner sagement, et que, de temps à autre, il va réellement de travers. Ce n'est pas une impression de sa vue qui baisse ou bien encore une interprétation tordue de son regard. L'arbre se demande si c'est lui qui penche ou ce bâtiment tout proche prêt à s'écrouler. Qui sait ? Lui se contente d'examiner la complexité de la vie sous tous ses aspects.

 

Un jour peut-être, il lâchera prise, mais pour l'instant, tant qu'il est vivant, la curiosité le chatouillera tout entier des racines jusqu'à la courbe de sa cime.

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