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Plume et clavier
27 avril 2015

JARDIN FLEURI

PAQUES 2015 004

 

 

Au printemps, la haie est encore trop clairsemée pour cacher la maison aux volets couleur de soleil. La mousse s’est installée sur le muret extérieur et s’est immiscée entre les jointures des dalles. Le portail de bois vit ses dernières semaines. Tel un vieillard sur sa canne, il s’appuie sur ses gonds et sa serrure rouillés. Deux buis se tiennent de chaque côté comme des gardiens fidèles. Le regard oublie ces détails, il est attiré par les forsythias éclatants et les fleurs délicates du cognassier.

Le long de la façade principale, courent des massifs étroits, limités par des pierres. Quelques jonquilles fleuries dialoguent avec les volets, et, provisoirement, ravissent la vedette aux tulipes, fraisiers et pervenches.

Vers la porte de la cuisine, un tas de petit bois bien sec attend les futurs barbecues. De l’autre côté, le jardin offre un bel espace de repos. Les primevères, épargnées par la tondeuse, se sont réunies dans un coin de la pelouse. Si elles pouvaient parler… elles diraient leur joie de renaître, leur surprise de se découvrir bleues ou blanches. Elles apprécieraient que le promeneur respecte leur fraîcheur et leur délicatesse.

Le seul arbre du jardin, un érable arthritique lance de maigres branches dénudées vers le ciel. Ce n’est que vulnérabilité apparente. Il a été bichonné avant l’hiver pour sommeiller tranquillement en attendant le retour de sa verdeur. La sève remonte lentement sous son écorce, des bourgeons éclatent en feuilles tendres et promettent une ombre protectrice.

Depuis longtemps, le bassin est vide. Le tuyau et le robinet ont pris leur retraite le long de la paroi cimentée. J’imagine, autrefois, des poissons rouges nageant avec mollesse ou des enfants jouant, riant, s’éclaboussant. Les clichés s’imposent.

Un peu plus loin, deux massifs d’iris prospèrent, indisciplinés. L’oseille vert tendre est sortie de terre et la ciboulette voisine comme elle peut avec l’herbe. De temps à autre, un papillon jaune vient virevolter. Un bourdon se promène vers les chenaux, les autres insectes dorment encore.

Derrière la maison, un couloir abrité, longe le bâtiment qui sert d’atelier et d’entrepôt. On y accède en descendant une marche. Des étagères mettent à portée de main l’outillage pour le bricolage et le jardinage. Des vélos, tables et chaises invitent à la fête. Cet espace sert également de grenier. Y sont entreposés des meubles et des cartons, souvenirs et témoins d’une vie familiale.

J’ai choisi un fauteuil de toile, la position m’importe peu. Face au soleil, je lis un long moment. Puis je ferme mon livre. Les personnages qui vivaient dans ces pages disparaissent progressivement. Les yeux clos, je m’abandonne au monde qui m’entoure. Tout devient sensuel : la douce chaleur sur ma peau, le gazouillis des oiseaux, le chant décalé du coq, la lumière éblouissante derrière mes paupières. Un chien en laisse proteste de l’autre côté de la haie, ses aboiements s’éloignent. Des voitures filent dans un sens ou de l’autre. Aucun de ces bruits ne m’agresse, ils sont là, en toile de fond, pour me rappeler qu’il suffit de franchir le portail pour reprendre une autre vie.

J’aime cette quiétude intérieure que m’offre ce lieu, riche d’un passé qui ne m’appartient pas. Ici, les fantômes me sont bienveillants.

J’aime quand les pensées polluantes disparaissent.

J’aime l’instant même si le temps ne suspend jamais son cours.

C’est bon de se sentir vivante, présente au monde, un après-midi de printemps, à la campagne, loin des tumultes que la société aime nous imposer.

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